Le 6 mai 2024, une nouvelle constitution de type parlementaire prétendant instaurer une « véritable démocratie » a été adoptée dans des conditions rocambolesques. Sauf que ce changement controversé de la loi fondamentale n’a pu s’inscrire dans la logique d’un vrai régime parlementaire.
Pour cause, à peine née, cette constitution se révèle par ses lacunes dans son application. En effet, il n’y est prévu nulle part à qui revient le pouvoir de nommer les ministres du tout premier gouvernement de la cinquième République.
Or, dans tous les régimes parlementaires (modèles britannique, allemand, italien notamment), la compétence en matière de nomination des ministres est soit reconnue au Président de la République ou partagée entre lui et le premier ministre.
Sauf que cette Constitution, adoptée dans des conditions critiquées et contestées, se singularise et reste muette sur le mécanisme par lequel les ministres sont nommés. Les articles 40, 41 et 42 qui parlent des attributions du Président de la République (PR) et 50 consacré à la définition des attributions du Président du Conseil (PC) ne mentionnent nulle part qui du PR ou du PC a compétence pour nommer les ministres. Si le PR est dépourvu de tout pouvoir constitutionnel de nomination, l’article 50 reconnaît par contre limitativement ce pouvoir au PC. Cet article dispose que le Président du conseil _* »[…] Nomme aux emplois civils et militaires »*_. Il est important de souligner que la fonction de ministre relève de l’emploi politique ; et donc exclue de la catégorie des emplois civils et militaires. En plus, les actes de nomination du PC aux emplois civils et militaires ne sont réguliers, conformément aux dispositions de l’article 52, qu’à condition d’être contresignés par les ministres chargés de leur exécution. Ici, l’obligation constitutionnellement requise de contresignature n’est pas une formalité, mais une condition de validité et de responsabilité politique.
Cette omission emporte deux conséquences juridiques majeures.
1- En droit constitutionnel, la compétence de nomination au poste de ministre ou équivalent constitue une prérogative politique particulièrement essentielle. Ainsi, en l’absence d’une disposition constitutionnelle formelle désignant celui qui est habilité à nommer les ministres, il se crée un vide juridique qui rend impossible la formation du premier gouvernement de la cinquième République. Même si l’article 31 de la constitution dispose que _ » *Des lois organiques sont adoptées pour compléter la constitution quand celle-ci les prévoit* « ,_ aucune loi organique ne saurait, à elle seule, pallier cette omission, dans la mesure où le principe de légalité exige que l’attribution des compétences en matière de nomination des ministres résulte d’une norme suprême. En effet, selon le principe de spécialité des compétences, les pouvoirs de nomination sont d’interprétation stricte. Ainsi, aucune autorité ne peut s’arroger un pouvoir qui n’est pas prévu par la constitution. La seule voie possible pour lever ce blocage reste la révision précoce de la constitution.
2- Comme nous l’avons souligné plus haut, les actes émanant du Président du Conseil n’acquièrent leur validité juridique qu’à la condition expresse d’être revêtus du contreseing du ou des ministres concernés (Article 52), dès lors que ceux-ci sont appelés à en assurer l’exécution. Ce mécanisme du contreseing constitue une garantie de légalité et un instrument de responsabilité politique, en ce qu’il associe les membres du gouvernement à la mise en œuvre des décisions émanant du Président du conseil. Or, depuis la démission le 02 mai 2024 du gouvernement Dogbé II, aucun gouvernement n’a, à ce jour, été formé. Ainsi, en l’absence de ministres issus de la cinquième République, il est juridiquement impossible de procéder au contreseing requis par la Constitution. Il en découle une incapacité juridique manifeste du Président du Conseil à édicter valablement des actes de nomination. En d’autres termes, en l’absence du contreseing constitutionnellement exigé, tout acte de nomination par le PC se trouverait entaché d’illégalité et de vice de forme substantiel. Dès lors, sauf à méconnaître la prééminence de la Constitution, les nominations récentes, notamment celles relatives au Secrétaire général du Gouvernement et aux présidents des universités publics sont manifestement des actes illégaux, au regard de l’article 52 de la constitution.
Ces nominations doivent plutôt être interprétées comme une manœuvre politique visant à sonder la réaction du peuple et surtout des forces démocratiques de l’opposition ; les tenants du régime étant conscients de cette illégalité.
Le 23 septembre 2025
*H. Faustin*